Mylène. La voix, reflet de l’âme

« Tout ce que j’ai fait, c’était pour le chant, chanter, faire ce métier »

 

Pour me rendre à mon RDV, j’ai fait de grandes enjambées car j’étais en retard, il faisait nuit, froid et humide. A l’intérieur de l’appartement où m’attendait Mylène, c’était tout l’inverse. Il régnait une ambiance zen, la chaleur était douce et cela sentait les huiles essentielles…. relaxant comme chez mon ostéopathe. Un Yogi Tea épicé avec cela et tout était réuni pour une chaleureuse interview.

Quand je pense à Mylène, l’image d’une petite flamme sautillante me vient immédiatement à l’esprit. Car je n’ai jamais vu regard si vivant chez personne d’autre. Elle a de longs cils et ses yeux, grands ouverts, pétillent et accompagnent chacun de ses mots. Comme si elle habitait son discours. L’expression qui me semble bien résumer ce que je ressens en sa présence est “communication inclusive”. C’est comme si elle me transmettait son énergie. Cela provient-il de sa nature ou de l’habitude d’incarner ses rôles ? Mylène est chanteuse lyrique, comédienne et professeur de chant. Elle exerce ses multiples talents en France, depuis 9 ans.

“Je ne me suis pas réveillée un matin en me disant : Je vais être chanteuse

Dans son entourage familial, à part son cousin Antony qui est auteur compositeur et interprète, personne n’est professionnel dans le monde du spectacle. C’est quand-même du côté de sa mère que l’on retrouve un héritage musical. Avec 12 oncles et tantes musiciens amateurs, Mylène se souvient que les fêtes de familles étaient mémorables. Sa mère l’a naturellement mise au piano, à six ans. Elle suivait aussi des cours de danse et jouait de la guitare. En plus, elle se souvient qu’elle apprenait phrase à phrase les paroles de Starmania, sur le radio-cassettes de la cuisine. Puis elle jouait à la chanteuse avec une brosse à cheveux pour micro. Mais tout cela, c’était pour de faux. Ce n’était certainement pas un métier. D’ailleurs, après le collège, la conseillère d’orientation l’avait dirigée vers des études en Sciences Humaines. Mais le “hasard” a fait que ses cours d’histoire se tenaient juste à côté de ceux du département Musique. Elle entendait la chorale répéter.

C’est ainsi qu’elle a bifurqué et qu’elle est entrée en musique : par hasard, par opportunisme. Une copine l’a incitée à passer le concours. Un travail intensif de 2 mois lui a ouvert les portes de ce parcours. A ce moment-là, elle ne connaissait toujours rien à l’Opéra. Mais Mme Lorange, sa professeur de chant, était une chanteuse lyrique, ayant chanté au Met. “Elle m’a fait regarder des opéras, découvrir La Callas. C’était passionnant, alors j’ai continué sur un master de chant”.   

“Heureusement je ne savais pas ce qui m’attendait ; je ne suis pas sûre que j’aurais eu le courage de continuer”

Ce qui l’attendait ? 10 ans de formation et une vie faite de courage, de compétitions et de voyages. La Mylène d’aujourd’hui, sereine et pleine d’énergie, a dû se faire violence pour quitter sa zone de confort. Il a fallu laisser sa famille, son village et sa sécurité pour aller étudier à Montréal. Vivre sa passion est une quête et, parfois, un combat contre soi-même. Il faut se dépasser, lutter contre ses doutes.

Pendant ses études à Montréal, Mylène a fait une pause de 3 mois en Europe, avec son sac au dos. Une sorte de parcours initiatique, pour affronter ses peurs de l’inconnu, de l’inconfort et de l’insécurité. Elle sentait qu’elle devait se confronter à cela car le métier de chanteur professionnel est fait d’aléas. 

A son retour, elle n’avait pas tellement plus de réponses. Seule certitude : elle était dans son élément sur scène. Alors elle a continué. Elle a passé des auditions. Elle a appris son métier sur scène, en jouant des opérettes et en donnant des cours. Puis, 3 ans après la fin de son master, elle part en Europe pour poursuivre sa carrière. Elle s’établit finalement à Paris car une place venait de se libérer au centre de musique baroque de Versailles. Encore un clin d’oeil de la vie. 

“La vie m’a toujours guidée, alors que moi-même j’avais du mal à me décider.” 

C’était une porte qui s’ouvrait : être dans une structure, se faire un réseau, avoir un visa d’étudiante. Elle n’a eu que 10 jours pour rentrer chez elle, faire ses papiers et laisser sa vie au Canada. Elle n’est jamais repartie.

Pour s’acclimater à sa nouvelle vie, elle a coupé totalement le cordon avec le Canada et sa famille. Pour tenir le coup, il fallait qu’elle “plonge dans le truc toute seule”. Avec le recul, elle pense qu’elle aurait pu être plus bienveillante avec elle-même. “Cela aurait été plus sain d’y retourner plus souvent.”

Surtout que la voix est reliée à l’état d’âme. Ce qui veut dire que lorsqu’on est triste, fatiguée et stressée, il est bien difficile de chanter. Alors, après son diplôme à Versailles, Mylène décide de mettre sa voix au repos, pour refaire ses bases. Pour la 1ère fois, elle n’a plus envie de chanter ; elle a besoin d’autre chose. Elle s’inscrit à un cours de théâtre amateur avec un ami. La scène n’est pas une découverte car lorsqu’on chante une opérette, on interprète un rôle. Mais dans le théâtre, il n’y a pas de chant donc pas d’enjeux, seulement du plaisir à l’état pur. Hop, encore un coup du destin : à la fin de l’année le metteur en scène propose à Mylène le rôle de Lisette dans un Marivaux. “Cela m’a vachement plu ; ça m’a aidé à retrouver du plaisir dans le chant.”

“Il y a une dimension Athlète olympique dans la vie de chanteur lyrique : c’est tellement exigeant !”

Chaque jour est différent mais il y a une discipline à suivre car l’instrument est fragile. Il ne s’agit pas seulement des cordes vocales car le son est produit par l’air qui met en vibration les cordes. C’est de la qualité du souffle que dépend, en grande partie, celle du son. Le corps tout entier est donc l’instrument. Voici la routine de Mylène : 

  • Dormir 7-8h par nuit pour que l’instrument soit en forme.

  • Exercice physique régulier : yoga tous les jours (ou tous les 2 jours), course ou pilate plusieurs fois par semaine. En ce moment, elle s'entraîne au grand écart, pour l’un de ses prochains rôles.

  • Chanter à pleine voix 1h30 par jour.

  • Mémorisation des textes : 3h environ/ jour. Apprentissage du répertoire et des traductions : il faut savoir de quoi il est question pour interpréter un rôle.

  • En période de spectacle, les répétitions peuvent prendre la journée : la vie s’arrête.

En plus de cela, il faut travailler sa confiance en soi, sa prise de recul. Mylène s’est tournée vers le yoga, les retraites de méditation, le coaching, les sessions de PNL. Tout cela pour être la plus à l’aise possible. Et bien entendu, elle transmet ces techniques à ses élèves. Car dans son planning de ministre, elle garde une place pour l’enseignement. “Enseigner fera toujours partie de ma vie : c’est une belle balance entre la scène et la réalité de la vraie vie”. Elle apprend beaucoup au contact de ses élèves. Elle a dû travailler à gérer l’humain : comment aider les élèves à se dépasser, à avoir confiance en eux. Elle donne beaucoup mais reçoit tellement en échange !

En tant que professeure, Mylène fait preuve d’une bienveillance à nulle autre pareille. En tant que soprano, elle saute de rôle en rôle, parfois dans un même week-end, avec énergie et enthousiasme. En tant que comédienne, elle n’hésite pas à se moquer d’elle-même avec un humour fou. 

 

photo unsplash : Matthew Jungling

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